Un entretien avec Sandra Buratti-Hasan, conservatrice du patrimoine au musée des Beaux-Arts de Bordeaux, le 17 février 2025.
Evoquons votre formation initiale et vos premiers postes.
Je suis née en 1982 à Meaux. J’ai été sensibilisée à l’histoire de l’art en fréquentant la petite bibliothèque municipale et aussi, ce qui peut paraître en paradoxal aujourd’hui, grâce à la télévision et à ses programmes. J’ai en effet fréquenté les musées très tardivement. J’ai fait des études de littérature et d’histoire de l’art, notamment à l’université Sorbonne nouvelle, où je me suis spécialisée en littérature comparée, perméable à la transdisciplinarité et au mélange des arts. Dans cette optique, j’ai travaillé sur le symbolisme à la fin du XIXe siècle autour du drame de Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, et de son illustration musicale et picturale. C’étaient alors mes débuts dans la recherche. J’ai aussi intégré l’Ecole du Louvre, en premier cycle, pour solidifier mon socle en histoire de l’art. J’avais été auparavant élève en classes préparatoires, j’avais une maîtrise en littérature, mais j’avais besoin d’asseoir mes connaissances dans ce domaine. J’ai ensuite fait un master à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS). Après un voyage dans un centre culturel en Inde au Rajasthan, j’ai conçu un projet de recherche sur ce retour de l’Orient vers l’Occident, et j’ai choisi le thème de Bacchus, des bacchanales et des bacchantes à la fin du XIXe siècle comme objet d’étude. J’ai travaillé ainsi avec François Pouillon, un anthropologue français, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, spécialiste des études islamiques, et avec François Lissarrague, historien de l’art et anthropologue, spécialiste de la Grèce antique et plus particulièrement de l’étude des images.
J’ai ensuite intégré l’Institut National du Patrimoine, promotion Rose Valland. A la sortie de l’INP, j’ai débuté une mission de commissariat d’exposition à partir du projet initié par Philippe Morel professeur d’histoire de l’art moderne à l’université Paris 1 et Philippe Costamagna, directeur du Palais Fesch-musée des Beaux-Arts d’Ajaccio, et avec Sara Vitacca, alors à Paris 1 et à l’ENS de Lyon, dont les recherches portaient sur le même thème. Ce projet s’intitulait « Bacchanales modernes ! Le nu, l’ivresse et la danse au XIXe siècle ». C’est à cette occasion que j’ai rencontré Sophie Barthélémy, qui allait devenir directrice du musée des Beaux-arts de Bordeaux, à qui l’on a proposé ce projet. L’exposition a bien vu le jour et a eu lieu à Bordeaux et à Ajaccio.
Cela s’est avéré décisif puisque Sophie Barthélémy la directrice du MusBA, m’a proposé en 2014 un poste au musée alors que j’étais fraichement diplômée de l’INP (conservatrice territoriale depuis 2013) : je suis devenue conservatrice vacataire au MusBA, puis directrice adjointe du musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Avant ce premier poste, j’avais effectué différents stages : au Cent-Quatre, à Paris, mais aussi dans les musées, dont le musée d’Orsay. J’ai aussi une courte expérience dans le marché de l’art lors d’un stage chez Eric Turquin, à la documentation, alors que j’étais à l’Ecole du Louvre : cela s’est révélé passionnant et fort utile.
A Bordeaux, j’ai d’abord été en charge des collections XIXe siècle et XXe siècle. J’étais de septembre 2014 à septembre 2023, conservatrice des peintures XIXe siècle et directrice adjointe du MusBA. J’étais à 80 % du temps sur les expositions. Il est vrai que cela reste une pierre d’achoppement pour les conservateurs : l’enjeu central doit toujours rester l’étude des collections permanentes. Nous avons avec la directrice, beaucoup travaillé sur ce point.
L’exposition la plus importante organisée ces derniers temps, a eu pour thème la peintre Rosa Bonheur. Nous l’avons organisée avec le musée d’Orsay, et Leïla Jarbouai plus particulièrement. Cela été un beau succès, tant du point de vue des publics, ici, que de la recherche, et aussi de la communication : nous sommes fières de la redécouverte de cette artiste et du travail réalisé : Rosa Bonheur est désormais reconnue comme une artiste clé du XIXe siècle, et je suis heureuse que la toute nouvelle promotion de l’INP ait choisi de prendre pour nom Rosa Bonheur.
J’avais envie ensuite d’autres aventures, un poste au Petit Palais s’est libéré, c’est ainsi que j’ai pu pendant un an travailler en tant de conservatrice des peintures fin XIXe sur d’autres collections et monter une exposition sur un artiste suédois, exposition qui s’est terminée hier (« Bruno Liljefors. La Suède sauvage ». Il s’agit d’un bel artiste animalier qui fait résonner dans ses œuvres toute la nature sauvage de son pays.
Communiqué de Presse
Dossier de Presse
J’ai ensuite, pour des raisons personnelles, préféré revenir à Bordeaux pour prendre le poste de conservateur des peintures XVe-XVIIIe siècle, qui venait de se libérer. C’est en quelques sorte un retour vers des périodes que je connais bien, qui ont moins été mises en avant, et pour lesquelles il reste beaucoup à faire. (Depuis le 1er mars 2025, je suis de nouveau directrice adjointe, toujours en charge des collections anciennes).
La médiation joue-t-elle un rôle important dans votre démarche de conservatrice ?
Oui, en effet, je considère qu’elle est centrale dans ma pratique. Tout dépend du lieu dans lequel vous travaillez, mais ici, vous jouez un rôle de chef d’orchestre et il vous revient de transmettre, de faire connaître au public, les collections. Cela passe évidemment par l’étude de ces collections, mais aussi par la création d’expositions, et tout cela a pour but de faire venir le public et de partager. Nous avons trois médiatrices à temps plein : elles travaillent à la fois sur l’élaboration des programmes, la conception des contenus, mais elles effectuent aussi elles-mêmes les visites. Nous ne faisons pas appel à des conférenciers, à des sociétés extérieures.
Nous produisons deux expositions par an : une d’envergure nationale voire internationale à la Galerie des beaux-arts et une, plus petite, dans la Salle des actualités. (C’est actuellement l’exposition consacrée aux estampes de Goya). Il s’agit dans ce dernier cas d’expositions réalisées avec nos propres collections, « d’ accrochages » ; nous n’empruntons pas d’œuvres à l’extérieur et ne réalisons pas de catalogue. Pour ce qui concerne les expositions de la Galerie des Beaux-arts (qui se situe à côté du musée), nous avons diminué le rythme des grandes expositions. Nous accueillons peu d’expositions itinérantes, nous avons à cœur de créer nos propres expositions, souvent en partenariat. J’ai par exemple travaillé avec Bristol, avec le Louvre, avec le musée d’Orsay, avec le Palais Fesch à Ajaccio, avec le musée de Lodève, pour l’exposition Bissière, avec Quimper, pour l’exposition Odilon Redon,avec La Piscine de Roubaix, pour Dorignac : il s’agit alors de co-productions. Ces opérations sont plus intéressantes financièrement mais surtout du point de vue de l’aventure intellectuelle.
Le poste que j’occupe depuis février 2024, de conservatrice des peintures XVe – XVIII e siècles, est davantage dédié aux collections.
Parlons des collections du MusBA : intégrez-vous les photographies dans vos collections ?
Oui, certaines photographies (mais pas toutes) en font pleinement partie. Je pense au fonds Laparra [1] qui était avant 2015 dans la documentation et qui a été montré en 2015 lors de l’exposition « Bordeaux – Italie ». C’est avec un collègue en charge de la documentation, Serge Fernandez, que le commissaire Marc Favreau, a pu mettre en valeur ce fonds peu connu. En effet, il faisait partie de la donation faite au musée mais n’avait pas été spécialement étudié. Les auteurs de ces grandes photographies (d’une cinquantaine de centimètres environ) ont pu être identifiés par Serge Fernandez et ces très belles pièces, après l’exposition, ont pu être conservées dans le cabinet des arts graphiques, passant ainsi du statut de document à celui d’œuvres à part entière.
Si on en vient aux collections italiennes ?
Sans conteste c’est le fonds des peintures qui est le plus important. Ensuite, nous avons quelques très beaux dessins. En revanche, pour les sculptures italiennes, le fonds est plus modeste mais contient toutefois des œuvres remarquables comme Le Mozart expirant, Mozart morente, ronde-bosse en marbre, réalisée en 1877 par Rinaldo Carnielo (1853-1910) :
On peut évoquer également Nicolas Raggi, qui a créé pour la Ville de Bordeaux une statue de Louis XVI de près de six mètres de haut. Cette sculpture en bronze qui était au musée depuis 1878 a été fondue pendant la Deuxième Guerre mondiale en 1941. C’est impressionnant de voir les cartes postales de l’époque : on reconnait bien le musée, le gardien assis à ses côtés :
Enfin, on peut bien sûr citer le travail de Maggesi [2], qui est né à Carrare, est venu à Bordeaux, lorsqu’il avait une vingtaine d’années, et qui est devenu le statuaire officiel de la Ville de Bordeaux.
Les artistes italiens deviennent alors Français ?
En effet, depuis la période napoléonienne, sous la Restauration et jusqu’à la fin du XIXe siècle, c’est le cas de beaucoup de sculpteurs.
Parlons des peintures…
Oui, justement Vincent Delieuvin spécialiste des peintures italiennes du Louvre, qui a fait récemment une conférence pour les Amis du musée, est venu voir le fonds, qu’il connaît déjà bien. En matière d’attributions, de catalogue raisonné ; c’est toujours le travail de Jean Habert, réalisé à l’occasion de l’exposition « Italie. Histoire d’une collection », en 1987, qui demeure la référence. J’aimerais bien revenir sur cette période des années 1980, au cours de laquelle les tableaux ont été dotés de nouveaux cadres de forme ovale : je pense notamment au Neptune apaisant les flots, probablement du XVII e vénitien, attribué autrefois à Annibale Carracci, mais dont l’auteur nous reste inconnu : je trouve que ces cadres brouillent la lecture des œuvres. Une dizaine d’œuvres italiennes mériteraient de nouveaux cadres qui permettraient de mieux les mettre en valeur et de les étudier. Cela peut être le prélude d’un nouvel accrochage, pourquoi pas donner lieu à une exposition pour un nouveau regard sur la collection italienne, c’est ainsi également qu’on attire le regard de spécialistes qui pourraient redécouvrir ces œuvres.
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Il y a des pépites ?
Oui, les deux tableaux de Magnasco qui sont extrêmement forts : je pense au tableau intitulé Arrivée et interrogatoire des galériens dans la prison de Gênes – Galériens en prison, et à son pendant, Embarquement des galériens dans le port de Gênes.
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Mon préféré est certainement le tableau de Pittoni, Eliézer et Rebecca :MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
De Titien, Tarquin et Lucrèce :
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
La Madeleine de Titien également : sans doute réalisée avec l’aide de son atelier, mais le tableau est très beau. Je pourrais le soumettre à l’examen de Cinzia Pasquali , conservatrice restauratrice, spécialisée dans les peintures de la Renaissance, et qui travaille sur les Madeleine du Titien, pour en savoir davantage.
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Le portrait réalisé par Palma le Vieux,
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Le tableau de Vasari que j’aime beaucoup également :
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Celui de Véronèse, Sainte Famille avec sainte Dorothée : il provient des collections royales :
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Les tableaux de la collection proviennent essentiellement des collections royales mais aussi de la collection Lacaze ?
Oui (mais attention à ne pas confondre avec le grand La Caze du Louvre !) Il y a eu en effet des erreurs d’attribution même dans les collections royales. Nous avons des tableaux de grande valeur comme ceux de Leandro BASSANO (dit) DA PONTE, un représentant de Venise. Il est intéressant de noter que cette collection reflète un pan de l’histoire des musées, la provenance de ces collections, pour une partie royale. Lorsque j’anime des visites j’aime bien expliquer au public l’histoire matérielle des œuvres, certaines ont été collectionnées par François 1er ou conservées dans le cabinet des médailles de Louis XIV à Versailles. Même si des attributions « tombent » par exemple sur l’un des deux Véronèse ; l’un n’est plus attribué à cet artiste, mais plutôt à Benedetto Cagliari, son frère, peu importe finalement, la qualité de l’œuvre est là et cette histoire.
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Qu’en est-il de ce tableau attribué à Morazzone /Pier Francesco Mazzuchelli ?
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Une chose est sûre, ce tableau n’est pas une peinture qui a pour thème « Suzanne et les vieillards » mais plutôt le traitement du thème d’un marché aux esclaves ou une allégorie de l’amour vénal.
Ce qui est précisément intéressant dans cette collection c’est le rassemblement de thèmes traités, d’artistes hétéroclites, étonnants : par exemple ce tableau de Lavinia Fontana, authentique, peinture réalisée durant la jeunesse de l’artiste. Elle a fait l’objet d’une grande rétrospective à Dublin, en 2023, Auparavant il y a eu au musée du Prado cette exposition en 2019/2020, consacrée aux deux peintres, Lavinia Fontana et Sofonisba Anguissola. Plus récemment a eu lieu à Bâle et à Hambourg, une exposition plus large relative aux artistes femmes dans l’art ancien, jusqu’en 1810.
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
C’est vrai que le tableau bouge beaucoup en ce moment, avec la redécouverte des artistes femmes, thème aujourd’hui très actuel. J’aimerais beaucoup faire un projet d’exposition sur cette artiste qui n’a pas eu d’exposition en France. L’actualité joue en ce sens : le musée de la Chartreuse à Douai, vient d’identifier un tableau de Lavinia dans ses collections (grâce à Philippe Costamagna) et au musée des beaux-arts de Montréal, le MBAM, un autre tableau de Lavinia vient d’être acquis.
Enfin, il y a ce tableau célèbre de « La Petite Fille à barbe », Antonietta Gonsalvus, atteinte d’hypertrichose, c’est-à-dire une pilosité faciale excessive, qui a été adjugé en France pour 1,55 million d’euros en 2023 par le Musée des œuvres occidentales de Tokyo. On connaît une autre version de cette œuvre au château de Blois.
© Château de Blois.
Quelles œuvres pouvez-vous désormais acquérir ?
Si l’on remonte aux années 1980, nous avons pu acquérir un tableau de Boldini, en 1982 :
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Aujourd’hui, nous achetons essentiellement des dessins et nous bénéficions également de dons de la part de particuliers ou de la Société des Amis du musée : je pense notamment au don d’une feuille, en 2012, une sanguine rehaussée de gouache blanche et de plume et encre brune, sur papier brun clair, de Francisco La Marra (v. 1710- v. 1792) : Le Miracle de San Gennaro :
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Vous avez également des œuvres d’artistes nés plus au Nord, parfois considérés comme Italiens : je pense notamment à un autre don de la Société des Amis en 2020 : Le Triomphe de Silène, de Karel Philips SPIERINCKS (Bruxelles, vers 1600 – Rome, 1639). Là encore il s’agit du thème des Bacchanales :
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Nous avons également acquis un dessin de Giovanni Antonio Berinzago – Le Siège de Troie. C’est un projet de décor pour « Iphigénie en Aulide », un dessin à la plume et lavis d’encre brune.
© Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Installé ici au XVIIIe siècle, sa carrière bordelaise fut brillante: « puisque, outre ses travaux pour le théâtre, il décora le grand escalier du Palais de la Bourse, exécuta les grisailles de la salle à manger du Palais Rohan (actuel hôtel de ville) avec Pierre Lacour (peintre et premier conservateur du musée des Beaux-Arts de Bordeaux) et surtout peignit l’architecture en trompe-l’œil qui recouvre la voûte en quadratura de l’église Saint-Bruno de ses admirables perspectives illusionnistes ».
Ce sont en quelque sorte des « niches », quelques noms importants d’artistes italiens qui ont joué à un moment donné un rôle important dans la vie artistique de Bordeaux, et c’est là que notre démarche d’achat a le plus de sens. Il nous faut également travailler à une politique de valorisation des collections, via des dépôts. Avec le Louvre peut-être.
Dans le petit film mis en œuvre par votre équipe de communication, pour présenter votre collection, vous ne montrez au début pratiquement que des tableaux italiens.
C’est en effet le choix judicieux de l’équipe de communication. Je pense que dans un musée des beaux-arts, comme le nôtre, à Bordeaux où il y a de nombreuses autres structures muséales, nous capitalisons sur le fait que nous sommes un « petit Louvre » du point de vue des peintures européennes, loin d’être encyclopédique bien sûr, mais en tous les cas nous représentons les « Beaux-Arts », or, la peinture italienne en particulier du XVIe siècle reste dans l’imaginaire collectif, la quintessence de l’art. Les images de Madones par exemple constituent sans doute le suc de ce qu’on imagine de la peinture, des « beaux-arts ».
Nous avons aussi de beaux tableaux illustrant des sujets italiens, comme ce tableau d’Anton van Dyck, et son Portrait de Marie de Médicis. C’est un envoi de l’Etat, qui date de 1803. Le tableau a fait partie de la collection de Mazarin, puis de celle de Louis XIV.
Marie de Médicis alors exilée, vivait chez Rubens. Nous avons en face de ce tableau une œuvre de Rubens. Ce sont toutes ces correspondances, ces rapports historiques entre les œuvres, leurs sujets, les peintres et les collectionneurs qu’il est intéressant de faire surgir.
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Dans une exposition avec notamment Françoise Garcia, à la Galerie du musée des beaux-arts (24 novembre 2011 – 27 février 2012) intitulée « Comme jamais », des œuvres récemment acquises, nouvellement restaurées, issues des réserves anciennes et plus récentes ont été rapprochées entre elles, j’ai noté un nombre élevé de tableaux italiens choisis pour cette occasion.
Le « Vasari » qui pour moi est vraiment superbe, le « Pierre de Cortone », est magnifique, une quintessence de la Vierge au XVIIe siècle, d’une grande douceur, et d’autres œuvres en effet dont certaines qui portent la mention MNR.
Pouvez-vous m’en dire davantage sur la mention MNR ?
Jusque dans les années 1950, les tableaux anglais n’étaient pas si nombreux au musée. Au moment où le Louvre a organisé le rassemblement des œuvres des primitifs italiens de la Collection Campana, qui figurent désormais en Avignon, les musées en région, pour compenser le départ de ces œuvres, ont été dotés de nouveaux dépôts, et c’est là que de nombreux tableaux anglais ont rejoint la collection de Bordeaux. Certains étaient accompagnés de la mention MNR (Musées Nationaux Récupération). Ces biens ont été spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale, principalement à des familles juives. Les MNR sont des œuvres dont on n’a pas retrouvé les propriétaires après la guerre et qui sont placées sous la garde du Louvre. L’ensemble des MNR déposés au musée sont exposés sur les cimaises. En 1990, un de ces MNR déposés au musée des arts décoratifs et du design -madd, a pu être restitué à ses légitimes propriétaires.
Il y a eu plusieurs envois de la part du Louvre pour le MusBA, et concernant les œuvres italiennes, en 1957, nous avons reçu ce petit tableau de Gaspare Diziani (MNR 283) et un autre attribué à Ricci.
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Pouvez-vous évoquer la collection des dessins ?
La collection la plus importante est issue d’un legs d’un ancien maire de Bordeaux, M. Albert Brandebourg, en 1891, comportant 120 dessins, sur lequel nous consacrons des recherches centrées sur les collections d’arts graphiques. Il s’agit d’un fonds d’œuvres nordiques, et de quelques Italiens, dont un dessin de Bartolomeo Passaroti, une tête de satyre.
MusBA – © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Quelle est l’importance des catalogues ?
Les catalogues restent des ouvrages clés pour l’étude des collections muséales. C’est un travail de longue haleine que l’on doit mener parallèlement au reste de la vie scientifique du musée, et en particulier à la préparation des expositions. Nous avons récemment publié le catalogue raisonné des collections britanniques, venant couronner une saison de plusieurs expositions d’art britannique. Nous avons également publié un guide des collections en 2018. Dans les années à venir nous aimerions nous concentrer sur la publication de nos fonds de peinture française.
Quel est rôle de la scénographie ?
Il est fondamental également car les accrochages, la façon dont une œuvre va dialoguer avec une autre, peut révéler, de façon muette mais réelle, beaucoup de choses. C’est un des aspects que je préfère dans le métier de conservateur, de commissaire d’exposition, il ne suffit pas d’étudier et de publier, il faut aussi montrer des objets en trois dimensions, qui ont une texture, qui reçoivent la lumière de telle ou telle façon. C’est la manière dont on va les positionner les uns à côté des autres, qui va susciter un nouveau discours sur les œuvres. C’est vraiment important.
Pourquoi des co-commissariats ?
Parce que je ne suis pas spécialiste d’un thème, d’un artiste ou d’une œuvre donnée, mon rôle est d’aller chercher ces spécialistes, de travailler avec eux, de tirer les fils pour aller le plus loin possible dans la recherche. Nous les trouvons bien sûr au Louvre comme Vincent Delieuvin, je pense à Christophe Brouard, Directeur du musée de Soissons, qui est venu travailler ici, c’est un expert des peintures vénitiennes, il s’intéresse aux peintures de Pietro Muttoni. J’aimerais bien également que l’on travaille sur Laura Bernasconi,une peintre du XVIIe siècle qui est dans nos collections. Nous avons deux paysages qui sont attribués à cette peintre, sans que je comprenne vraiment d’où provient cette attribution.
Nous aimons aussi collaborer avec des universitaires, des collègues de tous horizons, en France et à l’étranger. Nous profitons des rencontres professionnelles, colloques, salons, ou de convoiements pour nous rencontrer. Il s’agit vraiment de s’inscrire dans un réseau. Nous fonctionnons en rhizome, c’est en cela que ce réseau est vivant. Pour l’art italien, j’ai récemment échangé avec Linda Borean, professeure à l’université d’Udine et spécialiste de l’art vénitien. Je pense aussi à Francesca Posca, une doctorante, qui travaille sur les artistes femmes, qui ont fait carrière entre Rome et Paris.
S’agissant de Lavinia Fontana, j’entre en contact avec des musées américains, même s’il n’est pas facile de déplacer les œuvres tant pour des raisons financières qu’écologiques. On s’interroge aujourd’hui de façon très scrupuleuse sur ces aspects.
Mais il y a toujours des tableaux qui restent anonymes, comme le St Jean Baptiste dans le désert, un peintre sans doute dans l’orbite de Valentin, et pour lequel les débats d’attribution restent ouverts.
Tout reste à faire !
Je vous remercie.
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[1] William Julien Émile Édouard Laparra, né à Bordeaux le 25 novembre 1873, mort à Hecho (Aragon, Espagne) le 5 septembre 1920, est un peintre français. Paysagiste et portraitiste, il est lauréat du prix de Rome en 1898. Son œuvre a fait l’objet de plusieurs expositions rétrospectives, dont celle du musée des Beaux-Arts de Bordeaux en 1997, consécutive à la donation à la Ville par les héritiers de l’artiste d’une vingtaine d’œuvres en 1990. Dans ce fonds figuraient des photographies : l’exposition à Bordeaux en 2015 « montrait l’album photographique constitué par le peintre William Laparra : il a constitué un album en achetant des photographies sur le trajet du « Grand Tour » des XVIIIe et XIXe siècles.
[2] Dominique Fortuné Maggesi, nom francisé de Domenico Maggesi, dit aussi Dominique Félix Maggesi, né à Carrare le 17 mai 1801 et mort à Bordeaux le 6 février 1892. Auteurs notamment des sculptures suivantes figurant dans les collections du musée : Buste de M. Lainé, 1858-1859, marbre ; La Dordogne, 1851, étude en plâtre ; La Garonne, 1851, étude en plâtre ; Le Génie de la sculpture dégrossissant le masque de Jupiter, 1838, pierre ; Michel Montaigne, 1834-1839, bas-relief en marbre ; Buste d’Aubert de Tourny, 1852, marbre ; Buste de Charles Fieffé, vers 1880, marbre ; Buste de M. Ravez, 1861, marbre ; Buste de Pierre Lacour fils, ou Buste d’Henri de Fonfrède (ancien titre), plâtre ; Buste de Théodore Ducos, 1855-1856, marbre ; Buste de Victor Louis, 1834, marbre ; Buste du général Pierre de Pelleport (1773-1855), marbre ; Buste du baron Portal D’Albaredes, vers 1856, marbre ; Buste du duc d’Orléans, fils de Louis Philippe, 1858, marbre ; Buste du maréchal Bugeaud (1784-1849), 1852, marbre.