Le Journal des Arts a publié la nouvelle de la disparition de Denis Brihat, figure essentielle de la photographie artistique française, décédé le 3 décembre 2024 à Bonnieux (Vaucluse), à l’âge de 96 ans :
” Né le 16 septembre 1928 à Paris, Denis Brihat rejette rapidement les conventions scolaires, préférant un apprentissage sur le tas. Il commence par fréquenter brièvement l’école de photographie de la rue de Vaugirard[…], il entreprend un voyage en Inde en 1955, dont il rapporte une série de photographies et obtient en 1957 le prix Niépce, qui consacre les jeunes talents de la photographie. (…) Dès la fin des années 1950, Denis Brihat se consacre à la photographie de nature morte, un genre qu’il réinvente en s’inspirant d’Edward Weston et des artistes du groupe Espace. Sa démarche vise à extraire la photographie du livre pour l’ériger en œuvre murale. En 1965, il expose au Musée des Arts Décoratifs à Paris. Paris des tirages qui mettent en lumière des détails minutieux de végétaux – oignons, citrons, coquelicots – sublimés par des procédés techniques complexes”.
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Le musée des Arts décoratifs à Paris (MAD) expose dès les années 1950-60 la photographie comme un art.
Certes, l’exposition au MAD de la photographie n’est pas nouvelle, comme le montre une exposition de photographies de guerre inaugurée au Pavillon de Marsan par le président Poincaré, le 30 septembre 1916
mais aussi, l’exposition rétrospective de photographies organisée en 1936. Mais l’exposition de photographies exposées en qualité d’œuvres ouvre un nouveau cycle de légitimation de ce mode d’expression dans les musées.
L’exposition d’Henri Cartier-Bresson en 1955 légitime la photographie en tant que manifestation artistique, au-delà du simple témoignage d’actualité. Elle est organisée avec l’aide de Robert Delpire et de le futur peintre son assistant, Jacques Monory. Cette première exposition en France au Pavillon de Marsan circule à travers le monde. La légitimité de la photographie en tant qu’art est donc encore curieusement débattue dans les années soixante. Si pour le conservateur François Mathey, la photographie n’est pas un art (mais un langage), Cartier-Bresson est, à n’en pas douter, un artiste. Ce qui pour Mathey est somme toute le plus important.
L’exposition Henri Cartier-Bresson a lieu en 1955.
L’exposition rassemble des photographies de la France, des USA (prises lors de son voyage en 1948), de Chine et d’Union soviétique. Cartier-Bresson incarne ce qui va devenir l’archétype du photographe de presse qui prend sur le vif un moment de vie décisif (sans recadrage ou manipulation ultérieure de l’instant dont la photographie témoigne). François Mathey marque son intérêt pour son œuvre (celle d’un nouvel humanisme) et lui écrit pour le féliciter : « La photographie n’est peut-être pas un art, mais elle est un langage et vous me l’avez fait découvrir. » Malgré la brièveté de l’exposition (quinze jours) et sa proximité dans le temps avec celle de Picasso, la réception critique est très riche et François Mathey en a décelé toute la qualité et la postérité.
Les photographies de Lucien Clergue sont exposées au Mad en 1962. Il faut attendre la fin des années soixante pour que la photographie ne soit plus considérée comme un art mineur, comme le confirme Lucien Clergue, cofondateur des rencontres d’Arles en 1970 : “Il n’y a pas à l’époque beaucoup de lieux d’exposition pour la photographie, seul le hall de la Bibliothèque Nationale permet d’exposer une fois par an, amateurs et professionnels mêlés dans le cadre d’un concours national. L’exposition s’accompagne en général de l’obligation de donner une œuvre” dira-t-il.
L’exposition « Six photographes et Paris » accueille, du 15 janvier au 28 février 1965, pendant 45 jours, 12 827 visiteurs, dont 4 669 demi-tarifs ; elle est excédentaire. L’album Maciet de la bibliothèque des Arts décoratifs (AD) conserve trace de cette exposition qui réunit un palmarès assez étourdissant : Willy Ronnis, Robert Doisneau, Janine Niepce, Roger Pic, Daniel Frasnay et Jean Lattès. Elle est organisée par le CNDC, Centre National de Diffusion Culturelle, présidé par Eugène Claudius-Petit.
L’exposition « Denis Brihat, 1965 » se déroule du 25 mars au 25 avril 1965, elle accueille 1537 visiteurs (elle est excédentaire). Le catalogue comprend un texte de Charles Estienne, célèbre critique d’art de cette époque.
« Un siècle de photographie, de Niepce à Man Ray » est une exposition rétrospective itinérante créée en Belgique. Elle se déroule du 21 octobre 1965 au 17 janvier 1966 et reçoit 28 071 visiteurs, dont 8 282 demi-tarifs, elle est excédentaire.
« L’exposition « Le Corbusier, photographies de Lucien Hervé, est présentée en hommage à Le Corbusier décédé en 1965. Elle se déroule du 3 mars au 16 mai 1966, elle est présentée par le Centre d’Art et de Recherches de l’U.C.A.D (dirigé par M Salanon, conservateur de la bibliothèque de l’UCAD). Eugène Claudius-Petit rédige la préface du catalogue. Malgré son succès (elle reçoit 21 275 visiteurs, dont 8 474 demi-tarifs), elle est déficitaire.
Pour Lucien Hervé, François Mathey écrira un petit texte, qui sera repris dans le livre de photographies de murs qu’il publie en 1970. François Mathey réalise là une évocation discrète des années de guerre et de l’immédiate après-guerre, l’art se manifeste, là où on ne l’attend pas, et en dépit des conditions qui lui sont faites.
Une nouvelle rétrospective “Cartier-Bresson, 1965-1966” est organisée comme la précédente par Robert Delpire. Elle remporte cette fois un grand succès. Elle se déroule du 30 novembre 1966 au 30 janvier 1967 et accueille 23 448 visiteurs, dont 8 128 demi-tarifs. La réception critique est excellente y compris aux États-Unis et en France.
Si aujourd’hui il ne fait plus aucun doute que la photographie appartient au domaine artistique, il convenait de rappeler que les expositions organisées au MAD, y ont effectivement contribué.